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Martial Raysse
Sera montrée une suite de dessins, études et modellos, issus d’une pratique peu usitée de nos jours, mais qui n’a rien perdu de son charme, ni de sa pertinence.
16 mars - 22 avr. 2017
Mennour, 47 rue Saint-André-des-Arts

On imagine sans peine qu’il soit arrivé à la galerie avec un grand carton à dessins et l’idée d’en faire une exposition au pied levé. À travers une centaine de feuilles, cet accrochage offre un regard intime sur l’œuvre de Martial Raysse, la mise au jour pour le grand public d’années de travail peu connues jusque-là. Le prisme du dessin donne souvent l’impression de surprendre l’artiste dans l’atelier. Il y a un peu de cela ici, dans la spontanéité des compositions et les assemblages poétiques, mais pas seulement. On voit aussi dans ces dessins l’image du travail, du contrôle, des redressements et des améliorations, du temps passé et des étonnantes mises en scène que celui-ci permet aujourd’hui.
Pour commencer, chez Martial Raysse, il y a toujours des femmes, sans doute le premier de ses sujets. Rebecca (1996) rappelle la Joconde, mais on pourrait aussi l’avoir croisée hier dans le métro ; son portrait est entouré de longs coups de pinceau bruns et pourpre à la gouache : c’est la palette du peintre et la plus élégante des robes dans laquelle elle se drape. Alors on croit surprendre l’artiste au travail, comme lorsqu’on voit la succession de certaines variations : La Charmante Nad, dessinée au fusain, qui réapparaît dans Nad (2000) vêtue de rouge et entourée de fleurs des champs. Quelques minutes ou quelques jours se sont-ils écoulés entre ces deux images ? Les dessins de Martial Raysse disent beaucoup de sa pratique. Tout est permis, tous les pinceaux, tous les crayons, tous les papiers et les collages, même les photocopies, toutes les pirouettes et les acrobaties.
At first, the most arresting thing about the large compositions he made in the 1960s is their high level of relief: the plastic deer antlers, the fake plants, the plywood fragments of beach and landscape. His drawings are also often in three dimensions, like in the studies for La Source (1990) for instance, in the small collages where girls’ heads have been cut out and attached to busts that are slightly too small. There are also swimming costumes Ce qui surprend le plus quand on voit pour la première fois les grandes compositions qu’il a réalisées dans les années 1960, c’est leur relief, les branches en plastiques d’un cerf, les fausses plantes vertes, les morceaux de plages et de paysages en contreplaqué. Or ses dessins sont aussi très souvent en trois dimensions, comme ces petits collages dans lesquels des têtes de jeunes filles sont découpées et fixées sur des bustes un peu trop petits, par exemple les études pour La Source (1990). Il y a aussi des maillots de bain qui sont collés sur des corps de mannequins, comme dans les jeux de découpages pour petites filles. Toujours porteurs de fantaisie, ces collages indiquent les étapes d’un travail précis et de ses ajustements ; il arrive aussi qu’ils soient un peu des blagues – ou bien pas tout à fait ? – comme l’enfant du tableau de Bronzino transformé en prince par une couronne en fleurs de lys ajoutée sur sa tête dans Place d’Assas à Tolède (1993).
Au café ou au coin du feu, il n’est pas rare qu’il sorte un petit carnet de sa poche, coincé contre le livre qu’il est en train de lire, car il est de ces artistes qui ont toujours dessiné, et qui dessinent en permanence. Ce carton qu’il a apporté à la galerie est un choix de dessins qui traversent presque toutes les périodes de sa vie. Le plus ancien est un portrait d’Henry Geldzahler (1963), étrange collage-bricolage, hommage au conservateur new-yorkais ami de Warhol et des Pop Américains. Parmi les œuvres anciennes, il y a aussi les deux « Formes » inscrites (1969), encore plus minimales que minimales, grilles en perspectives dans lesquelles on devine l’absence de deux Formes en Liberté. Depuis ces époques anciennes, Martial Raysse n’a cessé de produire des dessins qui sont en quelque sorte l’envers de son travail.
À partir de quelques carnets, il a composé une sorte d’atlas dont les pages n’ont jamais eu vocation à être réunies. Ce sont les Petits bouts échappés au déluge, un titre poétique et violent qu’il a donné à certaines de ses œuvres depuis les années 1970. Comme une plongée dans le plus intime de ses recherches, ou du moins, dans les moments de travail les plus spontanés, ces compositions sont une nouvelle apparition de ces dessins. Étude pour Les Chemins de la liberté (1982) est parmi les plus étonnantes de ces planches : une série de stupas découpés, ourlés de noir, et collés comme une page d’encyclopédie, avec une petite tache bleue sur l’un d’eux.
Parmi les nombreuses études, on reconnaît tous les grands tableaux qu’il a montrés depuis quinze ans. Il y a les dessins préparatoires du Jour des roses sur le toit (2001), de Dieu Merci (2005), et ceux de Poisson d’avril (2006) où le Duc d’Issigeac tonne sur une impertinente, et dont le modello qui en donne la composition finale est une véritable marqueterie de papier. Il y a un défilé de jeunes filles qui ont inspiré l’immense composition Ici Plage, comme ici-bas (2012). De rose fluo, de vert et de bleu, Les Deux extravagantes de Sarlat (2009), un jour détoilées et scotchées au mur, sont les plus fantasques. Lucie (2010), n’est pas mal non plus, dont la silhouette découpée rappelle les théâtres d’ombres et les transes chamaniques.
Other drawings have served as preparation for sculptures, like the 2010 study in which one recognises the bronze Ménis le Pêcheur (1997). The border of the drawing is torn, a little like with Tableau cassé (1964), except that on lifting it up, one sees on the sheet beneath the face and hand of the boy, the drawing object transformed into a little theatre.
Some of the drawings are less easily identifiable. It’s easy to guess the dates wrong. Since the end of the 1950s, Martial Raysse has never stopped questioning his works in progress, never stopped developing them in spite of the risk of criticism. This has lent multiple faces to his whole body of work. But there are also invariables, themes and forms that regularly reappear, but made-up and costumed in what are sometimes slightly misleading resurgences from the past.
In a more indirect way, some of his drawings, such as Lydia (2005), are linked to the films that he has made since the mid 1960s. The preparatory works for the painting Temps couvert à Tanger (2012) recall the Oriental universe of the video Lotel des folles fatmas (1976) and its remake Re-Fatmas (2006). Martial Raysse appears on numerous occasions in his films in the guise of a harlequin, an insider, a wise man and a fool all at once. Amongst the drawings, a few self-portraits show him in the role of the insider or the secret mediator, in O sole mio (2005) for instance, his violet face topped by a cross between a Pierrot and a Harlequin hat, and in Étude pour le Grand Jury (2014), in which he can be seen seated before his easel, which is a mirror. His drawing, too, is a mirror for his work.
— Anaël Pigeat

Martial Raysse
Né en 1926 à Nice, France
Vit et travaille à Nice, France






































































































