Sidival Fila
A Rose is a rose is a rose
7 sept. - 5 oct. 2024
Mennour, 6 rue du Pont de Lodi
Curated by Christian Alandete & Emma-Charlotte Gobry-Laurencin

Pour sa première exposition à la galerie Mennour, Sidival Fila présente un ensemble d’œuvres récentes en lin, coton et/ou soie, tendues sur châssis, ponctuées de fleurs anciennes comme autant de vestiges d’un jardin d’Eden. C’est sur la colline du mont Palatin qui surplombe le colisée de Rome, que Frère Sidival partage son temps entre sa vie franciscaine et son travail d’artiste, rendant hommage à des toiles du passé par un savant jeu de plissage, de broderie et de rapiéçage.

Des textiles délaissés, abandonnés, patinés par le temps et conservés dans des remises, reprennent ainsi vie sous les mains de l’artiste qui, par un méticuleux travail de couture, magnifie les accidents qui se sont imprimés à la surface des toiles. Entre Arte Povera et Art Informel, le travail de Sidival Fila trace un chemin poétique et singulier à l’instar de tous ces peintres, sans peinture, qui ont œuvré hors des limites de la toile.

En 1410, un artiste français eut l’originalité de peindre une Madone à l’ange sur une toile de lin — et non sur un panneau de bois comme c’était alors l’usage —, un procédé qui fut par la suite rapidement adopté et généralisé par nombre de ses confrères italiens.

Dans le milieu des années 1980, un peintre brésilien décida d’abandonner la peinture à l’huile pour ne s’attacher qu’au support-toile. Depuis Sidival Fila invente, reprise, compose, met

sous tension des fragments provenant tout autant de vêtements liturgiques que d’étoffes précieuses ou encore de draps ordinaires. Avec la même attention, ce dernier métamorphose les textiles et dessine, par la répétition des fils, des couronnes autour de motifs existants ou rapportés — des taches ou des fleurs — pour mieux les mettre en lumière.

Il passe ainsi des jours à broder ces jours1 tel un chirurgien refermant des blessures, réparant les lésions de la matière. Les multiples incises ou entailles qui émaillent ces suaires rappellent des chairs entrouvertes, en partie recousues. Une façon pour l’artiste de prendre soin, d’attirer notre regard sur ces stigmates, d’auréoler ces indices indélébiles du temps, ces zones de plis et de contacts, celles de tous les corps étrangers et de lumières qui ont un jour empreinté ces étoffes.

Aussi bien ascétiques que baroques, ces gestes méditatifs répétés à l’infini, d’entailler, de couper et de réparer font advenir des nouvelles toiles qui dépassent leur origine textile pour devenir tableaux. À la surface des œuvres s’épanouissent des fleurs brodées cueillies sur de précieuses étoffes, comme pour mieux affirmer la coexistence du prosaïque et du sublime. Ces dernières se répondent en échos d’une toile à l’autre, formant un rythme aléatoire, rappelant la perfection d’une nature imparfaite, faussement symétrique à l’image de ces grands polyptyques — ici exposés — qui semblent se répondre en miroir.

Une rose est une rose est une rose, répète Gertrude Stein dans ce poème scandé comme une litanie — avec cette évidence qu’une rose serait à la fois identique à une autre et pourtant si différente —, comme une révérence aux cycles sans fin de la vie et du désir.

— Christian Alandete & Emma-Charlotte Gobry-Laurencin, commissaires

1. Les jours sont des espaces créés dans une étoffe en supprimant certains fils, pour venir ensuite broder sur les fils restants de sorte à réaliser des motifs décoratifs.

He spends days embroidering those openworks1 like a surgeon stitching up wounds, repairing the lesions in the material. The countless incisions and cuts that punctuate those shrouds are reminiscent of open wounds partly stitched up. A way for the artist to take care, to draw our attention to the stigmata, to make a halo around the indelible signs of the time, zones of folds and connections, those of all the foreign bodies and of the lights that have one day left an imprint on those pieces of fabric.

As ascetic as they are baroque, these meditative gestures, repeated ad infinitum, of making incisions, cutting and mending give birth to new canvases that transcend their textile origin to become works of art. On the surface of the works, embroidered flowers gathered on precious fabrics blossom in order to confirm better the co-existence between the prosaic and the sublime. They enter into a dialogue which echoes from one canvas to the other, creating a random rhythm recalling the perfection of an imperfect nature, falsely symmetrical like those big polyptychs — exhibited here — that seem to reflect one another like a mirror image.

A rose is a rose is a rose, Gertrude Stein repeated in that poem chanted like a litany — with that evidence that a rose would be both identical to another and yet so different — , like a reverence for the endless cycles of life and desire.

— Christian Alandete & Emma-Charlotte Gobry-Laurencin, curators

1. Openwork is the space created in a piece of fabric by removing some threads and then embroidering on the remaining threads to make decorative motifs.