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Bertrand Lavier
Nouveaux tableaux 2005
4 sept. - 9 oct. 2021
Mennour, 5 rue du Pont de Lodi

On a trop souvent réduit l’œuvre de Bertrand Lavier à un ensemble de variations sur le readymade de Marcel Duchamp. Quelle paresse... Paolo Uccello a beau utiliser la perspective après Masaccio, cela ne fait pas du premier un épigone du second. Uccello ne fait que se servir d’un système symbolique inventé avant lui — et il en donne, de plus, une version très personnelle. C’est ce que fait Lavier : le readymade étant pour notre époque ce que la perspective fut à la Renaissance, c’est‐à‐dire un système visuel, il l’utilise pour parler du monde qui l’entoure, pour s’étonner de notre relation à l’Histoire, au temps, aux représentations. Il comprend d’ailleurs la notion de readymade d’une façon originale, car cinématographique : Lavier n’expose pas des objets, il ne les peint pas non plus, il les filme. Entendons le mot « filmer » dans les deux sens du terme : il signifie à la fois recouvrir d’une pellicule et passer devant une caméra. Ce qui sert de caméra à Bertrand Lavier, c’est l’espace d’exposition lui‐même. Et en guise de pellicule, il enrobe images ou objets de traits de pinceau qui en recouvrent fidèlement les tracés. Il les « filme » donc, mais il les couple également, en créant d’insolites appariements d’objets, de parfums, de musiques... Enfin il les augmente en les faisant apparaître dans des contextes inattendus, ou encore en les branchant sur des systèmes contemporains, histoire de les survolter. Car l’œuvre de Lavier est faite d’effets spéciaux. Elle s’est donné pour sujet le degré d’illusion qui soutient les images, et pour méthode, les techniques qui permettent de déplacer les choses. Elle relève du cinématographe, c’est‐à‐dire d’une écriture des mouvements. Comme René Clair, Lavier propose toujours des hypothèses inattendues ; et comme Sacha Guitry, il se sert des formes pour organiser un discours plus profond qu’il n’y paraît. Artiste de la longue durée, il « fabrique du temps arrêté » : chaque œuvre est comme une apnée dans le flux des images. Quand il réalise en 2005 cette série de reprises de Frank Stella, qui actualise des œuvres peintes par l’artiste américain dans les années 1960, son emploi du néon relève d’une sonorisation, comme un passage de la guitare sèche à la guitare électrique. Sa reprise de Stella est une amplification — avec distorsion, et effet Larsen. Mais les sons, ou les styles, sont aussi des éléments de datation : toute image se lit par une date. Or les peintures de la grotte de Lascaux ne datent pas uniquement de la préhistoire qui les a vues naître ; elles sont également les contemporaines de Picasso ou d’Henry Moore, qui les ont vues tout court. Ainsi les Nouveaux tableaux 2005, présentés en 2021, se métamorphosent‐ils une nouvelle fois...
— Nicolas Bourriaud

Bertrand Lavier
Né en 1949 à Châtillon-sur-Seine, France
Vit et travaille entre Paris et Aignay-le-Duc, France





















































































