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« monument » for V. Tatlin, 1969
19 mars - 15 mai 2021
Mennour, 6 rue du Pont de Lodi

Un an avant de bénéficier d’une exposition personnelle, exclusivement dédiée à des travaux à base de tubes fluorescents, à la Green Gallery (New York) en 1964, Dan Flavin se risque à produire une première œuvre – the diagonal of May 25, 1963 (to Constantin Brancusi) - constituée d’une banale applique servant d’armature à un cylindre qui diffuse une lumière jaune. « Le tube rayonnant et l’ombre projetée par son support plat, précise l’artiste en référence à celle-ci, semblèrent assez ironiques pour tenir seuls. Il n’y avait absolument aucune nécessité à composer ce système de façon définitive. Celui-ci paraissait se soutenir lui- même de manière directe, dynamique et spectaculaire sur le mur de mon atelier, telle une image gazeuse, légère et tenace qui, par son éclat, finissait en quelque sorte par donner à sa présence matérielle une presque invisibilité ». Se dessine dans cette œuvre pionnière de 1963 les constantes de sa création à venir : aucune intervention « manuelle » de l’artiste, le recours à des matériaux « ready-made » disponibles dans le commerce favorisant la mise en place d’une syntaxe minimaliste et avant toute chose la prééminence de la lumière, aussi impalpable qu’évanescente, qui dans son immatérialité même se situe au carrefour du visible et de l’invisible. Peu de temps après avoir produit son hommage à Brancusi, Flavin envisage la réalisation d’une œuvre dédiée au théologien médiéval Guillaume d’Ockham se réduisant à nouveau à une applique puis se décide finalement à la décliner sous la forme de trois ensembles lumineux qui, dans leur verticalité et le recours à des tubes fluorescents « cool white », annoncent la version du « monument » présentée ici. Pour la petite histoire, il semblerait que l’artiste ait découvert l’œuvre du constructiviste Vladimir Tatline par l’intermédiaire de Sol LeWitt qui aurait offert, au début de leur amitié en 1963, un livre consacré à l’art moderne russe à Sonja, l’épouse de Flavin. L’année suivante, ce dernier esquisse des configurations murales de tubes fluorescents blancs qu’il regroupera sous le titre générique de « monument » for V. Tatlin.
Cette famille de travaux, considérée comme l’une de ses plus emblématiques, s’étalera jusqu’en 1990. En fonction des variations, l’artiste expérimentera différentes options, alternant les tailles des appliques et tubes, leur ordre, configuration et orientation. La symétrie est selon les cas de mise ou non. Mais le langage géométrique et abstrait d’une grande lisibilité et « indivisibilité » systématiquement accentué. En cela, ces œuvres sont non seulement représentatives d’un minimalisme new-yorkais rentré dans sa phase de maturité mais aussi redevables d’une tradition européenne que finalement peu d’artistes nord-américains de cette génération ont bien voulu assumer. En érigeant ses « monuments », Flavin s’inscrit en effet dans une généalogie et histoire de l’art dont il se sait, contrairement à certains de ses confrères, l’héritier. De Tatline, il retiendra pour les « monuments » ou autres travaux, indépendamment du caractère politique et utopique de son entreprise, le rejet du cadre, l’utilisation des coins et angles formés par les murs de l’espace d’exposition et surtout la nécessité de « projeter » l’œuvre à l’aide de matériaux industriels et non traditionnels dans l’espace réel. « Des matériaux réels dans un espace réel » était le crédo du constructiviste russe. Flavin le fera sien.
— Erik Verhagen





















































































