Le panier est vide
Alicja Kwade & Louise Nevelson
Face-à-face
3 juin - 24 juil. 2021
Mennour, 47 rue Saint-André-des-Arts

Louise Nevelson et Alicja Kwade sont nées à 80 ans d’intervalle, la première à Kiev en Ukraine en 1899, la seconde à Katowice en Pologne en 1979. L’une et l’autre migreront dès leur premier âge à l’Ouest. Nevelson aux États-Unis. Kwade en République fédérale d’Allemagne. Les histoires et environnements qui ont vu émerger et évoluer leur propos respectif sont en conséquence forcément autres. Mais il n’est pas interdit de leur reconnaître des points étonnamment communs touchant notamment à une manière de concevoir un processus sculptural placé sous le signe de la transformation et d’une dé- puis recontextualisation de données matérielles et physiques, prises au sens large du terme, recyclées à de nouvelles fins.
Il faut attendre 1959 pour que l’œuvre de Nevelson soit enfin reconnue à sa juste valeur. Invitée à participer à l’exposition Sixteen Americans au Museum of Modern Art de New York, l’artiste se retrouve dans une position résolumentdécaléedanslamesureoùcettemanifestationmarqueletriomphe d’orientations post expressionnistes abstraites. Non pas que Nevelson soit affiliée à cette tendance bien qu’elle appartienne plus ou moins à la même génération que Jackson Pollock ou Willem de Kooning mais l’exposition de 1959 va surtout servir de tremplin à des artistes – Jasper Johns, Ellsworth Kelly, Robert Rauschenberg, Frank Stella ou Jack Youngerman – qui auraient pu être ses fils. Là réside sans doute la clé de cette œuvre qui n’a jamais su se plier au mainstream et aux esthétiques dominantes, tout en échappant à l’air du temps et aux catégorisations pour ne pas dire ghettoïsations. Échapper enfin aux attentes du milieu de l’art comme le prouve sa proposition pour Sixteen Americans composée d’un environnement d’un blanc immaculé là où on aurait pu parier sur une dominante noire synonyme de sa zone de confort.
Alicja Kwade est tout aussi inclassable et imprévisible. Et semble à l’image de son aînée puiser dans un périmètre « personnel », pas nécessairement au sens intimiste du terme, bien que l’œuvre de Nevelson soit innervée de considérations autobiographiques ou relatives à sa « vie intérieure », mais au sens où on l’entendrait d’un rapport au monde redevable de matériaux selon les cas de proximité ou témoignant d’intérêts portés à des thèmes et sujets transversaux. Marie Nipper dit de l’œuvre de Kwade qu’elle prend des « everyday objects out of their usual context intent on destabilising and reconfiguring the physical world1 » . Mots qui résonnent avec ceux de Frances Beatty et Gilbert Brownstone quand ils affirment à propos de Nevelson que « she transforms primitive materials, found objects or junk into new suggestive entities, whose mysterious and magical atmosphere creeps around us2 ». Cette exposition vise à engendrer un dialogue inattendu entre ces deux artistes en s’attachant à une sélection de pièces murales des années 1970 de Nevelson auxquelles Kwade a réagi avec des travaux, antérieurs ou produits pour l’occasion, qui investissent l’espace, prennent appui sur le sol ou plus rarement sur les cimaises afin de générer des contre- points traduisant par moments des clins d’œil discrets à celle qui fut qualifiée de « grande dame de la sculpture contemporaine3 ». Et si, encore une fois, elles n’appartiennent pas à la même histoire, si le monde qui les entoure n’est pas comparable d’autant plus que l’univers de Kwade se montre perméable aux enjeux les plus actuels de la science et d’une technologie représentative de la Silicon Valley là où les assemblages de Nevelson sont restés fidèles, à quelques exceptions près, à un matériau renvoyant aux forêts qui ont bercé son enfance ukrainienne puis du Maine, l’une et l’autre sont représentatives d’une certaine conception et exigence sculpturales.
— Erik Verhagen
—
1. Marie Nipper, « An introduction to the work of Alicja Kwade » in Alicja Kwade, In aporie, Berlin, Hatje Cantz & Copenhague, Roulette Russe, 2019, p. 35.
2. Frances Beatty & Gilbert Brownstone, « The permanence of Nevelson » in Nevelson, catalogue de l’exposition du Centre National d’Art Contemporain, Paris, 1974, non paginé.
3. John Canaday, « Display at Pace Gallery Called Her Best Yet » in New York Times, 11 novembre 1964, p. 25.
Artistes présentés

Alicja Kwade
Née en 1979 à Katowice, Pologne
Vit et travaille à Berlin, Allemagne

Louise Nevelson
Née en 1899 à Kiev, Ukraine
Morte en 1988 à New York, États-Unis


























































































