Alberto Giacometti

Tout n’est que dessin

20 nov. 2025 - 10 janv. 2026

Mennour, 28 avenue Matignon

 ©️ Succession Alberto Giacometti / Adagp Paris, 2025, ©️ Sabine Weiss / Photo Elysée, Lausanne

Dessinateur obsessionnel, Giacometti n’aura cessé, tout au long de sa vie, d’exercer sa main et son regard pour tenter de saisir la réalité fuyante des êtres et des choses. Des années de formation aux œuvres de la maturité, le dessin occupe une place centrale et quotidienne : qu’il travaille d’après modèle, copie les maîtres anciens ou dessine de mémoire, il revient toujours à cette pratique fondamentale. « Ce qu’il faut dire, ce que je crois, c’est que, qu’il s’agisse de sculpture ou de peinture, il n’y a que le dessin qui compte », écrit-il.

Formé très jeune dans l’atelier de son père, Giovanni Giacometti, peintre post-impressionniste, Alberto Giacometti apprend à observer et à traduire le réel par la ligne. Dans ses carnets d’étudiant à Genève, à la Grande Chaumière auprès d’Antoine Bourdelle, puis, après la Seconde Guerre mondiale, dans les cafés de Montparnasse ou dans l’atelier de la rue Hippolyte-Maindron, il dessine sans relâche : objets, visages, passants, fragments du monde. C’est là que s’élabore la tension la plus aiguë entre le visible et le regard, entre l’être et son apparition, entre la présence et la distance.

 

Chaque trait, chaque hachure, chaque reprise, traduit l’écart entre ce que l’œil perçoit et ce que la main tente de fixer. Le papier devient un champ de forces où les lignes se cherchent, se superposent, s’effacent. Le dessin n’est plus la représentation d’un sujet, mais la trace d’un regard au travail. La figure, souvent recentrée sur la feuille, semble lutter contre l’immensité du vide. La ligne tremble, revient, cerne sans jamais enfermer ; le sujet n’est pas défini par les contours mais par un réseau de traits concentriques qui font vibrer l’espace autour de lui.

Dans les feuilles des années 1950-1960, la figure semble sculptée dans le papier : les traits se creusent, le graphite devient matière, la gomme agit comme un outil de modelage. On retrouve dans ces dessins la tension du canif dans le plâtre, la vibration du doigt qui repousse la terre. La surface du papier devient un relief mental, un espace où l’œil avance et recule sans cesse. 

 

S’il existe chez Giacometti une continuité absolue entre dessin, peinture et sculpture, c’est qu’il aborde chaque médium comme une variation sur la même expérience perceptive. Le dessin n’est pas un exercice parallèle ou préparatoire : il est le cœur battant de l’œuvre.

 

— Christian Alandete