Dhewadi Hadjab

Acte II : Fragmenter

14 oct. - 21 déc. 2024

Mennour, 28 avenue Matignon

Mennour est heureux de présenter la seconde exposition personnelle de Dhewadi Hadjab à la galerie : « Acte II : fragmenter », du 14 octobre au 30 novembre 2024.

C’est une nouvelle page de recherches, écrite par fragments, en mouvements décomposés, dans des jeux d’accrochage qui suggèrent la tension et la détente, le spectacle d’une énergie qui se libère. Dans ses nouvelles séries de peintures, celles en petit format particulièrement, Dhewadi Hadjab ne s’intéresse plus seulement à l’instant d’avant la chute. Il montre des images irréelles de positions impossibles à tenir : plusieurs temps en un seul temps et plusieurs corps dans un seul corps, des êtres, dont on ne se rend pas compte avant longtemps que leur identité nous échappe.

En choisissant la photographie comme un outil servant la peinture, au même titre qu’un pinceau ou que de la couleur, l’artiste organise des shootings avec des modèles de son entourage et tout un peuple de costumes. Au moment de peindre, les teintes se métamorphosent en mauve, rouge vif ou fuchsia. Et pour la première fois, les corps qu’ils montrent sont coupés. On pourrait invoquer les cadrages du Caravage, mais ceux de Dhewadi Hadjab sont plus resserrés, plus énigmatiques, évoquant la danse, les mouvements composés par Pina Bausch, qu’il regarde avec passion depuis de nombreuses années.

Des pieds se lèvent d’un corps allongé sur un canapé, faisant battre dans l’élan un large pantalon rose poudré d’une matière fluide qui donne envie de le toucher. Quelques traits de crayon demeurent visibles entre la préparation de la toile et la couche picturale. Un autre corps tente de se redresser pour embrasser le coussin du même canapé : posture absurde, mouvement surpris au cours d’une répétition, dans un moment d’inattention à l’effort, hors des règles. Les variations d’une toile à l’autre sont plus imperceptibles, il faut en observer toutes les différences, dans les mèches de cheveux, la courbure du dos, les plis d’un t-shirt blanc qui se froisse dans l’effort. Une sensation de fragilité se dégage de ces images, ainsi qu’un rapport d’intimité avec ces personnages dont on devine les muscles bandés, crispés : un corps poussé jusqu’au bord de sa limite.

Avec ces corps fragmentés, avec ces visages détournés, Dhewadi Hadjab joue avec la disparition des images. Ses montages photographiques d’images qui n’existent pas se prêtent au surgissement de l’invisible. Sa peinture montre peu, et n’énonce rien. Son travail engagé n’est jamais directement politique, il peint la déréliction et les laissés-pour- compte. Il fait même parfois disparaitre le spectateur, tant il le rend libre. Il n’y a pas vraiment de mélancolie dans ces images, pas de passé mais seulement le présent, composé de la vie et de la mort. Dans un autre ensemble de grands formats, il peint un fragment de corps reflété dans un miroir, une surface qu’il peint pour la première fois afin d’étendre encore l’espace et sa profondeur. Pour nous approcher de la toile, il nous enjoint d’enjamber son sujet, ce corps allongé qui devrait être devant nous, qui est à la fois absent et présent par l’image. Enjamber le sujet, et passer outre, pour nous concentrer sur un reflet.

— Anaël Pigeat