Une femme nue est assise par terre. Ses yeux sont fermés. Sa tête inclinée. Tout comme son buste stabilisé par son bras gauche tandis que le droit, légèrement en retrait, s’appuie sur son pied. D’apparence humaine et visiblement moulée à partir d’un modèle témoignant d’une vigueur corporelle – et pour cause, il s’agit d’une danseuse –, la sculpture ne dissimule pas pour autant son artificialité, renforcée par les couleurs appliquées sur le corps, née du processus de fabrication comme l’attestent les jonctions au niveau de quelques articulations laissant en outre transparaître des fils qui, à l’image de ceux d’un pantin, désolidarisent le nu de toute ambition hyperréaliste.

La femme prend place dans un espace polychrome ouvert sur la rue qui permet à celui-ci d’être inondé d’une lumière estivale. Elle se fond dans le décor là où les sculptures matricielles, plus « naturelles », jouaient la carte du contraste. L’œuvre découle en effet d’une famille de nus créée par Ugo Rondinone en 2010-11 et produits à base d’un mélange de cire et de pigments de terre. On peut déceler dans le groupe conçu il y a une dizaine d’années comme dans la sculpture ici présente une interrogation sur le tempus fugit que l’écart entre la vitalité des corps arrivés à maturité et la fragilité de la cire ne fait qu’exacerber. Un très beau terme allemand difficilement traduisible reflète ces écartèlement et passage : la Vergänglichkeit.

Reste à évoquer la qualité polychrome de cette sculpture qui trouve un écho dans les murs, plafond et sol de la galerie (rappelons que pour Ugo Rondinone, l’exposition et les dispositifs de présentation relèvent d’une « forme » à part entière et ne se résument en aucun cas à une simple enveloppe « neutre »). S’inscrivant dans la continuité de nombre de sculptures polychromes produites ces dernières années, elle est le parfait exemple d’un phénomène de transmutation propre à la démarche de cet artiste où de famille en famille, des processus d’hybridation, de transfert et de mutation s’opèrent et s’enchevêtrent afin d’enrichir son œuvre de couches intertextuelles supplémentaires. Un work in progress incessamment renouvelé dont ce nu compose un nouveau chapitre.

— Erik Verhagen