Pier Paolo Calzolari

Ensemble

29 janv. - 5 mars 2016

Mennour, 47 rue Saint-André-des-Arts

« Je voudrais donner à savoir que je veux l’expansion, la démocratie, la folie, l’alchimie, la démence, la rythmique, l’horizontalité. Je veux dire que je veux être élémentaire, je dis que je veux commettre des actes de passion », écrivait Pier Paolo Calzolari, en 1968, pour sa « Maison idéale », l’une des œuvres fondatrices de l’Arte povera dont l’artiste italien est une figure emblématique. 

Aujourd’hui, avec « Ensemble », sa deuxième exposition personnelle à la galerie kamel mennour, il réactive cette quête des passages, des vibrations, des configurations premières en réalisant plusieurs téléscopages. Entre présent et passé d’abord avec plusieurs de ses œuvres datant de 1968 à 2015, des débuts de l’Arte povera jusqu’à aujourd’hui ; mais aussi des téléscopages avec Kazimir Malevitch et le suprématisme, cette reconstruction artistique initiée par « 0,10 » [Zéro-Dix], la mythique exposition de 1915, à Saint-Pétersbourg. Affranchi de toute obligation de représentation, l’artiste russe y présentait son « Carré noir » en affirmant que « créer cela veut dire vivre, produire perpétuellement des choses nouvelles » 1. 

 

Pier Paolo Calzolari regénère les éléments de sa syntaxe personnelle et fonde, avec « Ensemble », un monde plastique à l’image d’une formation musicale. Plomb, cuivre, bois, sel, structure givrante et givre, encre, feu, fleur et noix… Recueilli au fil des œuvres, ce vocabulaire du quotidien, serti d’impalpable, rejoue et réaccorde ses pulsations poétiques en reformant les seuils sensibles par lesquels l’invisible infiltre les agencements. Cette force de l’invisible est l’essence de l’art de Pier Paolo Calzolari. Il prend contact avec l’existence par ses cristallisations fugaces : la flamme de la bougie, le souffle et l’air, la cristallisation du givre… Autant de formes en formation qui sont au-delà du temps et de l’espace, dans une catégorie qui les traverse tous deux, dénommée « espacement » par Roland Barthes . Là, Pier Paolo Calzolari retrouve l’une des énigmes premières de sa vie : la  lumière de Venise. Enfant, il se rendait souvent riva degli Schiavoni avec une boîte de crayons de couleur. Il s’asseyait sur un banc de marbre. Alors qu’il dessinait, la lumière de la Lagune faisait scintiller le blanc marmoréen de la banquette. La vie se manifestait. 

Comment recréer ce plaisir vital, le moment dynamique du sensible, de la pulsation de l’âme ? En dialoguant d’égal à égal avec les expressions de la nature, comme le faisait François d’Assise parlant à  3 sa sœur la Lune et à ses frères le Vent et le Soleil ; en retrouvant l’intensité des formes primitives, qu’elles soient de gravures rupestres ou d’onomatopées balbutiantes ; en appauvrissant les signes de  la culture pour retrouver l’énergie des archétypes, le cœur battant du réel. 
Dans un monde contemporain crispé vers le renouveau, Pier Paolo Calzolari poursuit ses ruptures  vivifiantes. 

 

« Non, nous ne savons pas quel lendemain nous tirerons au sort, 
sombre ou joyeux ;  
peut-être notre chemin 
nous mènera-t-il à d'intactes clairières
om murmure éternelle l'eau de jouvence
ou peut-être sera-ce une glisséee
jusqu'à la fosse extrême
dans la nuit, tout souvenir du matin évanoui 
nous mènera-t-il à d’intactes clairières  où murmure éternelle l’eau de jouvence ; 
ou peut-être sera-ce une glissée  jusqu’à la fosse extrême » 4.

 

1    Kasimir Malevich, “From Cubism and Futurism to Suprematism: The New Realism in Painting”, in Malevich: Essays on Art, ed. Troels Anderson (Copenhagen, 1968), p. 24. 
2   Roland Barthes, « La Préparation du roman » (1978-1980), ed. du Seuil, 2015.
3   St Francis of Assisi, Laudes Creaturarum, composed in 1225.
4  Eugenio Montale,  Ossi di seppia, 1920-1927, translated by Joe Friggi