Jouant avec la dialectique classique du socle et de la statue, Bertrand Lavier compose avec son célèbre chantier des « objets superposés » une petite encyclopédie ludique des artéfacts et des obsessions propres à chaque époque. Utilisant des réfrigérateurs, des canapés et autres objets de la société de consommation, l'artiste propose une série d'équations visuelles saisissantes ou de greffes contre-nature en superposant deux éléments hétéroclites, sans altération aucune. Pour mettre en tension la courbe et l’angle droit, l'artiste socle ainsi un fragment de carrosserie de Ferrari accidentée sur un frigo flambant neuf de la marque Proline, ou juche comme ici la Bocca – canapé en forme de bouche rouge conçu par Salvador Dalí – sur un congélateur blanc de la marque Haier. Bien loin des visées d'un Marcel Duchamp qui choisissait les objets de ses Ready-mades en fonction d'une « réaction d'indifférence visuelle », Lavier explique que les sélections qu’il opère reposent sur une concordance des formes, tailles, proportions et couleurs, une cohérence esthétique générale avec en ligne de mire un maximum d'efficacité visuelle. Cette superposition de deux sphères – celle du monde commun et celle du monde des œuvres sans que l’une ne l’emporte sur l’autre – confère aux œuvres une présence troublante et une dynamique interne riche et jubilatoire.